Il le reconnaît, la barre est haute. Mais, fort de son expérience au sein de la Fondation du patrimoine – d’abord en tant que responsable des affaires publiques dès 2019, puis comme secrétaire générale à partir de 2021 et bras droit de sa précédente, Célia Verot, depuis janvier 2023 –, il est le candidat idéal pour prendre le relais. À la tête de l’institution depuis le 1er octobre, Alexandre Giuglaris ambitionne de protéger le patrimoine au sens large, depuis les petites églises de villages métropolitains jusqu’aux mangroves des territoires d’outre-mer.
Quels souhaitez-vous mettre en œuvre durant les changements de votre mandat ?
J’aimerais continuer à convaincre que le patrimoine, ce n’est pas seulement un coût, c’est aussi un investissement rentable : si la France est la première destination touristique mondiale, ce n’est pas par hasard ! Ensuite, je voudrais que nous renforcions l’identification et la sélection de projets en privilégié ceux ayant un impact territorial positif sur le plan économique, social, éducatif, environnemental, touristique… Une autre de mes priorités est de renforcer la qualité des contreparties à l ‘engagement de nos 950 bénévoles, en leur offrant plus de formations, de visites… Mais je souhaite aussi élargir notre réseau avec des profils plus diversifiés.
Votre arrivée à la tête de la Fondation du patrimoine est concomitante avec la mise en place par le gouvernement d’un programme de protection du patrimoine religieux de proximité, dont votre institution est l’un des acteurs principaux. Comment envisagez-vous cette mission ?
Après l’attention apportée à la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, nous voulons maintenant nous occuper des petites « Notre-Dame », partout dans nos villages. Il ne faut pas oublier qu’en vingt-cinq ans la Fondation a aidé à sauvegarder plus de 8 000 édifices religieux, tous cultes confondus : nous avons donc une connaissance pointue de ces sujets. Le meilleur moyen de préserver ce patrimoine, c’est qu’il soit utilisé : à travers le prix Sésame, nous avons récompensé des initiatives permettant de concilier les activités culturelles et sociales – comme le logement d’étudiants, l’accueil de personnes sans domicile fixe, l’organisation de concerts ou d’expositions – avec les activités culturelles. La collection nationale que nous avons lancée bénéficie également d’un dispositif exceptionnel, directement inspiré de ce qui a été fait pour Notre-Dame, à travers une défiscalisation à 75 % pour les particuliers jusqu’à 1 000 euros de don.
Cette année, la Fondation du patrimoine a renforcé son engagement envers la protection du patrimoine naturel. Est-ce un dossier prioritaire pour vous ?
C’est effectivement un sujet que je porte depuis plusieurs années à la Fondation, à la demande du président, Guillaume Poitrinal. Je suis convaincu que l’on ne peut pas séparer la nature de la culture. Face au dérèglement climatique, la biodiversité et le patrimoine naturel sont, bien sûr, en danger. Mais aujourd’hui nous nous avons souligné que les catastrophes naturelles abîment aussi le patrimoine bâti. Nous l’avons d’ailleurs vu avec la tempête Ciaran [les 1er et 2 novembre] : des clochers se sont efffondrés, des murs se sont lézardés… À notre échelle, je veux que nous fassions plus dans ce domaine-là, parce que nous sommes un acteur capable de fédérer, et de mobilisateur de l’argent pour sauvegarder le patrimoine nature et biodiversité.
Pourtant, certains de vos grands mécènes, comme Axa ou TotalEnergies, ne sont pas vraiment connus pour leur action en faveur de l’environnement. N’est-ce pas incompatible avec vos ambitions ?
Notre position est très claire : c’est une chance de voir des entreprises se mobiliser en faveur des patrimoines bâtis ou naturels. La Fondation TotalEnergies finance des projets de sauvegarde du patrimoine bâti incluant un volet d’insertion socioprofessionnelle. Axa concentre son mécénat sur les projets sélectionnés par le Loto du patrimoine, donc sur du patrimoine bâti également. Aujourd’hui, nous finançons les projets liés au patrimoine naturel essentiellement via la collecte de dons auprès du grand public et sur les fonds propres de la Fondation. C’est donc à nous d’aller trouver de nouveaux mécènes, entreprises comme particuliers, prêts à se mobiliser sur ce sujet. Sur ces thématiques, notre priorité est d’abord de faire appel au grand public pour des petits projets locaux pas toujours très précis mais essentiels – comme l’arrachage de plantes envahissantes –, qui peinent à réunir des financements.
Le don est, effectivement, votre mode d’action privilégié. Mais dans ce contexte inflationniste, est-il toujours possible de compter sur la générosité des Français ?
Depuis 2017, les collections de dons ne cessent de progresser. Après la collection pour Notre-Dame de Paris, nous avions également éprouvé cette inquiétude : après tant d’argent collecté pour ce monument, en reste-t-il pour les autres ? Nous avons constaté qu’en réalité la générosité des Français peut encore progresser. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut aller solliciter les donateurs, et leur proposer de beaux projets à financer pour les convaincre que leur action est utile. Je pense qu’il faut continuer à tenter de convaincre de nouveaux donateurs, car le nombre de projets reçus à la Fondation ne cesse de croître.
Selon vous, pourquoi la protection du patrimoine est-elle toujours aussi importante à notre époque ?
Les besoins restent les mêmes ! Le patrimoine continue de se dégrader, il a besoin de soutien. Nous avons réussi, grâce à cet extraordinaire ambassadeur qu’est Stéphane Bern, à démontrer que le patrimoine est une cause populaire, qui rassemble les Français : on en trouve partout dans notre pays, il constitue un lien avec notre histoire collective, et on a tous un attachement pour un musée, un lavoir, une église, un pigeonnier… Nous sommes des passeurs d’histoires : notre responsabilité est de transmettre le patrimoine, qu’il soit bâti, naturel… ou immatériel.
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